Journalisme, quand il faut informer sans être docte.
Du 3 au 4 juin 2010, la Médiathèque Jean Falala de Reims a accueilli une journée d’étude sur le thème des relations entretenues entre la justice, la presse et le pouvoir politique. L’interaction houleuse entre ces acteurs influents de notre société est reconnue par tous et la journée s’est achevée sur plusieurs interrogations. Le rôle de la presse, son devoir d’informer et d’éduquer ses lecteurs est coincé par l’urgence de la création de l’information et les jeux de pouvoirs avec la politique et l’autorité judiciaire. La presse n’aurait peut-être pas les moyens d‘être un contre pouvoir. Du moins pas autant que le cinquième pouvoir de l’opinion publique.
Nul n’est censé ignorer une loi, qui n’est pas enseignée.
Maud Woitier, chercheur et consultante, a soulevé ce problème avec force. « Nul n’est censé ignorer la loi. Mais tous l’ignorent car on n’enseigne pas le droit hors de l’université ». Et de là naissent de multiples dérives de la part de pouvoirs, notamment politique, afin de plaire à l’opinion publique. Nous le vivons chaque jour, avec la rétroactivité des lois voulues par le Président, s’opposant ainsi à un principe fondateur du Droit qui est justement la non-rétroactivité. Ou encore la déchéance de la nationalité française réclamée par B.Hortefeux. Alors que cette déchéance est strictement encadrée par l’article 25 du code civil. Le politique empiétant sur le judiciaire pour plaire à l’opinion. Tout ceci conforte le flou au sein de la société civile vis-à-vis de l’autorité judiciaire. Un flou que le journaliste ne comble pas nécessairement par manque de connaissance juridique.
Un corpus législatif en inflation constante.
« En 25 ans le Code de procédure pénal a doublé » précise Maitre Rance. Et à lui de nous donner la raison, « l’autorité judiciaire s’est mêlée des affaires politiques et les politiques ont riposté en réglementant de plus en plus la procédure pénale ». Ainsi les acteurs des pouvoirs cherchent à mettre sous tutelle leurs voisins, qui eux-mêmes tentent de se défendre en retour. Car la séparation des pouvoirs n’est pas évidente, lorsqu’un homme politique appelle au châtiment des responsables d’un crime il empiète sur l’autorité judiciaire, et cet empiètement est repris dans la presse qui s’immisce dans un pouvoir qui ne lui appartient pas. Tous ces empiétements servent un but simple, prendre part à la décision, influencer sur la situation. Toujours pour répondre à la demande de l’opinion publique.
Éducation permanente dans l’urgence de l’information.
Le pouvoir de la presse se conçoit dans l’influence qu’elle exerce sur l’opinion publique. Hervé Barraquand, chargé de projet Liberté de la presse et médias, membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) souligne ce problème. La presse n’existe que si quelqu’un est là pour la lire, or, lorsque les journalistes, « par manque de connaissance », ne remplissent plus leur rôle d’éclairage de l’actualité et de réflexion, leur fonction pédagogique est perdue. Et là est tout le drame de la profession journalistique. Le quatrième pouvoir doit concilier l’urgence de l’information et sa pertinence. En moins de douze heures peu nombreux sont les journalistes capables d’embrasser les compétences spécifiques pour percer à jour tous les problèmes posés par une information. Maitre Rance différencie alors deux cadres de l’information, celui de l’urgence où le journalisme se fait Presse d’information en partageant l’information brute et la presse d’investigation analysant les faits pour faire apparaitre la vérité.
Cette journée du vendredi a permis d’éclairer le rôle et les devoirs de la presse dans les nombreux jeux de pouvoirs de notre République. Mais aussi les impératifs incombant à la presse et le difficile respect de ceux-ci. L’une des réponses serait le traitement de l’information en deux temps selon Maitre Rance. Le journaliste sans être docte, doit traiter l’information dans son immédiateté sans pour autant omettre son rôle pédagogique. Des exercices d’enquête approfondis pourraient répondre aux attentes de l’opinion publique, ce cinquième pouvoir flatté de toute part. Et à Mme Woitier d’imaginer un enseignement du droit au collège pour que nul n’ignore plus la loi.
Le-Bas Christophe.
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